Rose pour les filles, bleu pour les garçons : pourquoi les jouets pour enfants ne devraient pas être stéréotypés

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Les stéréotypes de genre sont présents dans la vie quotidienne, y compris dans les jouets pour enfants. Ils ont un impact considérable sur la croissance et le développement personnels des enfants, car ils peuvent renforcer les attentes sociales concernant le rôle des hommes et des femmes, et influencer leurs choix futurs. Le meilleur moyen de les aider à développer leur plein potentiel est d’opter pour des jouets non genrés qui permettent aux enfants de découvrir leurs centres d’intérêt et d’acquérir de nouvelles compétences.

L’histoire des couleurs attribuées aux bébés

S’il semble que le rose ait de tous temps été la couleur des filles et le bleu celle des garçons, cela n’a pas toujours été le cas (Kyrie, 2020). Le rose et le bleu sont devenus des distinctions de genre peu après la Première Guerre mondiale. En effet, au cours des siècles précédents, tous les bébés portaient des bodies blancs, qui permettaient de changer facilement les couches et qui pouvaient être blanchis après avoir été portés. En général, les vêtements pour les enfants de moins de six ou sept ans étaient unisexes afin de permettre aux parents d’utiliser les mêmes vêtements pour chaque nouveau-né (Cahn, 2022).  

Les couleurs pastel (notamment le rose et le bleu, mais également d’autres couleurs comme le jaune) n’ont été introduites qu’au milieu des années 1800, probablement parce que les teintures commerciales étaient devenues très accessibles. Le rose était réservé aux garçons car il était associé au rouge, considéré comme trop dur pour les filles (Cahn, 2022). On attribue alors aux filles une couleur associée au ciel, à la pureté et à la douceur (Kyrie, 2020).

Ce n’est que dans les années 1940 que les fabricants ont pris la décision inverse d’attribuer le rose aux filles et le bleu aux garçons (Cahn, 2022). Mais avec les mouvements de femmes et la montée du féminisme dans les années 60 et 70, les vêtements bébé unisexes ont refait leur apparition. Les créateurs utilisaient moins de rose et le style ne laissait pas entrevoir le sexe de l’enfant (Auburn, 2019).

Cependant, dans les années 80, la règle du rose et du bleu a commencé à s’imposer au public. Plus précisément, vers le milieu des années 80 avec l’arrivée des tests prénataux permettant aux parents de connaître le sexe de leur bébé. C’est aussi l’époque de la montée en puissance du marketing de masse et du consumérisme. Les enseignes savaient que les vêtements personnalisés se vendraient mieux que les vêtements ordinaires, et elles ont saisi l’occasion pour en tirer profit. Comme aujourd’hui, les publicitaires et les fabricants se sont appuyés sur les conventions sociales des normes de genre pour vendre leurs produits (Auburn, 2019).

L’impact des stéréotypes dans la prédiction de l’avenir des enfants

À la fin du XXe siècle, le terme « genre », proposé par l’historienne Joan W. Scott en 1996, a commencé à être utilisé pour désigner l’ensemble des normes et des attitudes culturellement associées à chaque sexe et transmises par l’apprentissage. La communication que nous recevons est basée sur des stéréotypes, car ils sont le produit d’une tendance humaine persistante qui découle d’un besoin cognitif fondamental de catégoriser, de simplifier et de traiter le monde complexe (Zhang, et al., 2023).

En outre, les stéréotypes présentent deux caractéristiques. Premièrement, ils sont descriptifs, ils ne saisissent que certains éléments de l’image et pour cette raison, ils représentent une condition préalable aux préjugés sociaux, aux préjudices et à la discrimination. Deuxièmement, les stéréotypes sont prescriptifs, ils provoquent ce qu’ils représentent. En effet, en imitant ou en s’adaptant à l’environnement, nous avons tendance à nous conformer à ce que l’on attend de nous (Ministerio de Consumo, 2021).

« La plupart des recherches sur la culture matérielle de l’enfance ont confirmé que les jouets qui reflètent des rôles sexospécifiques stricts ont un impact significatif sur la croissance et le développement personnels des enfants, car ils peuvent renforcer les attentes sociales concernant les rôles de genre .»

– Dr Nawar Al-Hassan Golley, professeure en théorie littéraire et en études sur le genre et les femmes (White, 2022)

S’agissant des stéréotypes de genre, les parents incitent souvent les filles à jouer à la poupée dans leur chambre, et les garçons à jouer à l’extérieur. Si cette attitude apprend aux filles à s’occuper des enfants dès le plus jeune âge, elle peut également entraver leur capacité à développer d’autres types de compétences cognitives, physiques et sociales. D’autre part, il est fréquent d’offrir aux garçons des jouets tels que des armes, et de les encourager à participer à des activités physiques, souvent plus agressives, avec d’autres garçons ou des hommes chargés de s’occuper d’eux, ce qui peut promouvoir une image pernicieuse de la masculinité (UNICEF, 2022).

Dès le début de leur vie, les garçons et les filles sont immergés dans un environnement qui influence leurs rêves et leurs aspirations. Par exemple, selon une étude menée en 2021, les garçons rêvent de devenir footballeurs (25,1 %) et ensuite policiers (15,6 %), deux activités qui suscitent l’admiration de la société et coïncident avec le profil des héros liés à l’activité physique. Les filles veulent être enseignantes (19,9 %), médecins (16,7 %) ou vétérinaires (10,5 %), et enfin coiffeuses (12,1 %), des professions liées au bien-être des gens et à la beauté (Ministerio de Consumo, 2021).

Quelles sont les mesures permettant de lutter contre les jouets genrés ?

Dans les secteurs privé et public, le regard sur les jouets genrés est en train de changer. En 2012, le fabricant de jouets danois Lego a annoncé qu’il s’efforcera d’éliminer les stéréotypes sexistes de ses jouets. Il s’agira notamment de ne plus commercialiser d’articles destinés spécifiquement aux filles ou aux garçons, mais de vendre des produits sans distinction de genre, destinés à quiconque souhaite les acheter. Cette décision fait suite à celle du géant du jouet Hasbro, fabricant de Mon Petit Poney, Nerf, Transformers et Play-Doh, qui a fait ses premiers pas dans le domaine des jouets non binaires en élargissant sa Famille Patate pour y inclure une option non genrée (White, 2022).

La décision de Lego a été prise suite à une étude menée par l’entreprise sur la manière dont les enfants et les parents abordent la créativité. L’enquête a recueilli environ 7000 avis de parents et d’enfants provenant de sept pays. Elle a révélé que les stéréotypes de genre sont encore très répandus. En effet, 78 % des garçons et 73 % des filles sont d’accord avec l’affirmation suivante : « Il est normal d’apprendre aux garçons à être des garçons et aux filles à être des filles » (White, 2022).

En ce qui concerne les jouets genrés, les statistiques se révèlent très intéressantes. Alors que 54 % des parents craignent qu’on se moque de leur fils car il joue avec des « jouets pour filles », 24 % seulement des parents s’inquiètent que leur fille soit jugée parce qu’elle joue avec des « jouets pour garçons ». Ces résultats sont une preuve supplémentaire de l’idée persistante selon laquelle les filles sont moins valorisées dans la société (White, 2022).

Du côté public, l’Espagne a approuvé un nouveau code d’autorégulation pour la publicité des jouets pour enfants, qui est entré en vigueur en décembre 2022 et s’adresse aux mineurs. La nouvelle réglementation interdit les publicités qui utilisent des images discriminatoires, sexualisées ou dégradantes des filles et encourage l’utilisation d’images exemptes de stéréotypes de genre. Elle s’engage à éviter d’associer exclusivement les jouets à des rôles, par exemple le travail domestique ou la beauté pour les filles, et l’action, l’activité physique ou la technologie pour les garçons. Elle exige également que les jouets ne soient pas présentés en indiquant s’ils sont destinés à l’un ou l’autre sexe.

Comment choisir des jouets non stéréotypés ?

Pour reconnaître un jouet stéréotypé, la règle d’or est la suivante : si le jouet ne convient pas à la fois aux garçons et aux filles, il est forcément genré. Les éléments qui permettent de le reconnaître sont la couleur, le nom et l’activité associée au jouet. Par exemple, si le jouet est exactement le même et présente les mêmes fonctions, mais qu’il est décliné en deux couleurs ou qu’il utilise des éléments qui l’associent à des sexes différents, il s’agit alors d’un jouet genré.

En ce qui concerne les noms, les jouets pour filles qui utilisent des diminutifs les présentent comme insignifiantes et fragiles, tandis que ceux pour garçons les présentent comme dominants et forts. Enfin, la plupart des jouets liés à des activités manuelles et artistiques sont destinés aux filles (dessine tes propres vêtements, crée des perles, conçois tes propres bijoux…) et sont considérés comme ayant moins de valeur que les carrières techniques et d’ingénieur, qui sont ancrées dans les jeux de construction et de technologie destinés aux garçons (Ministerio de Consumo, 2021).

« Jouer avec des poupées peut également favoriser l’empathie, l’imagination et la prise de recul. Il y a donc des « inconvénients » à limiter le choix des jouets à des jouets genrés, construits socialement et dictés par le marketing.»

– Dr Waleed Ahmed, consultant en psychiatrie (White, 2022).

L’objectif est de leur offrir une variété large et équilibrée d’options. Parmi les alternatives que nous leur proposons, il serait intéressant d’inclure une histoire ou un livre exempt de stéréotypes, car encourager la lecture comme méthode d’apprentissage demande de l’effort, de la patience et de la raison. Nous pouvons également essayer d’inclure des poupées et/ou des poupées aux corps non normatifs, ainsi qu’un jeu de société collaboratif.

Nous devrions également veiller à fournir des jeux ou des jouets qui encouragent l’activité physique en plein air, ainsi que d’autres qui encouragent la créativité. Il est important que tous les enfants aient des jouets qui les encouragent à développer la communication et l’expression de leurs émotions, ainsi qu’à comprendre les émotions des autres (Ministerio de Consumo, 2021).

Un bon conseil serait de présenter également aux enfants des jouets STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) et STEAM (le « A » est ajouté pour art), car ce sont des jouets non genrés et inclusifs qui stimulent l’intérêt et la curiosité des enfants pour ces domaines (Macatee, 2022).

Permettre aux enfants de découvrir leurs intérêts et les accompagner dans cette aventure est le rôle que les adultes devraient jouer, car il s’agit de leur donner toutes les possibilités pour qu’ils puissent développer leur plein potentiel (Ministerio de Consumo, 2021).

Ainsi, Humanium s’engage activement dans la sensibilisation à tous les aspects qui contribuent à améliorer la vie et le bien-être des enfants et à les aider à atteindre leur plein potentiel. Rejoignez Humanium en parrainant un enfant, en faisant un don, ou encore en devenant membre ou bénévole !

Rédigé par Arianna Braga

Traduit par Victoire Ramos

Relu par Ania Beznia

Références :

Auburn, Mt. (2019). Why is Blue for Boys & Pink for Girls? Retrieved from MT. Auburn at https://mtauburnobgyn.com/2019/08/why-is-blue-for-boys-pink-for-girls/, accessed on 15 January 2024. 

Cahn, L. (2022). How Pink and Blue Became the “Girl” and “Boy” Baby Colors. Retrieved from Reader’s Digest at https://www.rd.com/article/pink-for-boys/, accessed on 15 January 2024. 

EU (2023). 2023 report on gender equality in the EU. Retrieved from European Commission at https://commission.europa.eu/system/files/2023-04/annual_report_GE_2023_web_EN.pdf, accessed on 20 January 2024. 

Kyrie, R. (2020). Pink is for Girls; Blue is for Boys. Retrieved from Medium at https://rb.gy/d0lgkx, accessed on 15 January 2024. 

Macatee, R. (2022). 5 Ways Kids Benefit from Gender-Neutral Toys and Activities. Retrieved from Parents at https://www.parents.com/fun/toys/kid-toys/ways-kids-benefit-from-gender-neutral-toys-and-activities/, accessed on 20 January 2024. 

Ministerio de Consumo (2021). Libertad para jugar. Guía para la elección de juguetes sin estereotipos sexistas. Retrieved from Ministerio de Consumo at https://www.consumo.gob.es/sites/consumo.gob.es/files/filefield_paths/Libertad_para_jugar.pdf, accessed on 16 January 2023. 

UNICEF (2022). How to remove gender stereotypes from playtime. Retrieved from UNICEF at https://www.unicef.org/turkiye/en/stories/how-remove-gender-stereotypes-playtime, accessed on 20 January 2024. 

White, G. (2022). The case against gendered toys: stereotypes, narrowed development and curbed creativity. Retrieved from The National News at https://www.thenationalnews.com/lifestyle/family/2022/03/01/the-case-against-gendered-toys-stereotypes-narrowed-development-and-curbed-creativity/, accessed on 20 January 2024. 

Zhang, B. et al. (2023). The psychological process of stereotyping: Content, forming, internalizing, mechanisms, effects, and interventions. Front Psychol. 2023 Jan 5;13:1117901. doi: 10.3389/fpsyg.2022.1117901. Retrieved from National Library of Medicine at https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9850150/, accessed on 20 January 2024.