« L’éducation doit redevenir une des valeurs essentielles de notre monde, elle doit rayonner de nouveau, elle doit s’imposer comme une force de bonheur, d’épanouissement, d’espérance. » Nelson Mandela, 1996.
En Afrique, plus précisément dans la région septentrionale du Cameroun, la sous-scolarisation et la déscolarisation sont des problèmes importants qui entravent la concrétisation de l’éducation primaire universelle, notamment chez les jeunes filles. Plus de trois millions d’entre elles sont sous-scolarisées ! Elles n’ont pas de soutien dans leur scolarité et cela cause un préjudice énorme à leurs droits fondamentaux. Leurs rêves et leur potentiel sont souvent minés par la discrimination, la violence et l’inégalité des chances, malgré le fait qu’elles débordent de talent et de créativité.
70 % des filles camerounaises sont analphabètes
Le Cameroun fait partie des pays qui se sont engagés à réaliser l’achèvement universel de l’enseignement primaire et secondaire, une des recommandations de l’ONU pour le 21e siècle. Mais la réalité est encore loin de ces objectifs : 70 % des jeunes filles camerounaises souffrent d’analphabétisme. Le phénomène est surtout visible dans la région septentrionale, au Nord du Cameroun, où il touche plus d’un million de filles de 10 à 19 ans, ce qui représente 31,9 % des filles de la région (Institut de statistique de l’UNESCO, 2016).

Cette sous-scolarisation des jeunes filles s’explique par plusieurs facteurs. Les principales raisons sont la pauvreté, l’analphabétisme des parents, ou encore les normes culturelles (Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, 2010) (Yaouba A., Kamdem Kamgno H., 2013).
Les chiffres révèlent que les filles vivant au Nord du Cameroun sont moins scolarisées que les garçons. Selon les résultats de la campagne lancée en août 2016, la plupart des jeunes filles de cette région souffrent d’analphabétisme (Mbia S., 2016). Ce qui dénote une forte déperdition scolaire.
Les traditions, souvent un blocage à la scolarisation des filles
23,4 % des jeunes filles sont freinées dans leurs études à cause de grossesses précoces (12 %) ou de mariages précoces (11,4 %) (Baromètre Communautaire, 2016). D’une manière générale, lorsqu’elles tombent enceintes, leurs parents décident de ne plus payer leurs études car, pour eux, elles ont choisi de ne plus continuer à étudier. Ainsi, malgré leur volonté de poursuivre leurs études, elles sont contraintes de les interrompre, voire d’abandonner.
Au nord du Cameroun, il vaut mieux être un garçon pour avoir la chance d’aller à l’école, compte tenu des normes traditionnelles. Certains parents, bien qu’ayant fait des études universitaires, restent fidèles à leur tradition de base qui veut que seul le garçon ait droit à un niveau d’étude élevé. Même pour ceux qui ont accepté d’envoyer leurs filles à l’école, ils estiment que lorsqu’elles savent lire et écrire, cela est suffisant. Ainsi, dans cette partie du Cameroun fortement marquée par la religion musulmane, nombreux sont ceux qui estiment qu’une fille éduquée sera plus tard une épouse insoumise, orgueilleuse, et voulant toujours montrer à son époux qu’elle est intelligente.
Même à l’école, les filles doivent défendre leurs droits
Pour celles qui sont scolarisées, elles font face à certains obstacles. Les filles restent l’objet de discriminations provenant aussi bien des pratiques pédagogiques des enseignants que de l’attitude de l’administration scolaire et des comportements de leurs pairs. Pire encore, les filles décrivent (à la troisième personne) des situations de harcèlement sexuel par les enseignants, particulièrement ceux d’éducation physique. Leur mode d’évaluation est souvent essentiellement répressif et ils agressent verbalement les filles. Et même dans les relations entre camarades de classe, dès leur jeune âge, les garçons montrent déjà des gestes agressifs et commencent déjà à exercer leur autorité sur les filles, ce qui crée ensuite des relations tendues entre eux. Les relations conflictuelles et violentes que les filles vivent avec leurs pairs peuvent développer chez elles des états dépressifs et une image plus négative d’elles-mêmes.
Soutien insuffisant des familles à la réussite scolaire des filles
Le suivi scolaire des élèves à la maison commence, pour les parents, par l’aménagement d’un espace d’étude et se prolonge par des demandes d’informations et de contrôle des bulletins, la participation à l’aide aux devoirs ou à la résolution de tous les autres problèmes susceptibles d’entraîner des difficultés dans l’apprentissage de leurs enfants. Les filles doivent d’abord s’occuper des tâches ménagères et s’assurer qu’il n’y a pas de commissions à faire. Elles peuvent ensuite étudier, ce qui est souvent en pleine nuit, quand tout le monde dort déjà. Elles ont ainsi un rythme de sommeil irrégulier et sont victimes de somnolence en classe. Les pères adoptent des attitudes de contrôle strict et des sanctions disproportionnées au regard du comportement de leurs filles. Celles-ci sont souvent étiquetées pour de petites erreurs et les parents n’ont pas confiance en leurs capacités.
Dans l’ensemble, les mères sont plus attachées aux problèmes d’éducation de leurs enfants que les pères, avec une attention plus poussée sur les garçons que les filles. On note donc une tendance à valoriser le sexe masculin au détriment du sexe féminin, qu’on accable de préjugés. La société étant de type patriarcal, même les attentes des mères vis-à-vis des garçons sont plus nombreuses et exigeantes que vis-à-vis des filles. Par conséquent, l’éducation des jeunes filles n’est pas valorisée dans la partie septentrionale du Cameroun.
La plupart des jeunes filles ne sont pas scolarisées, leur scolarisation n’étant pas perçue comme étant d’une grande importance. En Afrique, les jeunes filles doivent avant tout s’occuper des tâches domestiques et, dans de nombreuses régions où les normes culturelles ont peu changé, elles restent toujours cantonnées à la sphère privée.
Nombreux sont les parents qui perçoivent leurs filles comme une source de revenus pour la famille : en les envoyant se marier à un âge précoce et en réclamant en retour des sommes très importantes pour leur dot. Ainsi, les jeunes filles, une fois mariées, sont considérées comme un bien appartenant à leur futur mari. Pourtant, plusieurs études prouvent qu’une fille scolarisée pourra de manière plus efficace contribuer au bien-être des siens et à son bien-être personnel.
Ecrit par : Salomon Malang Relu par : Lucy Autin, Salomé Guibreteau, Petra Friedmann et Bénédicte Deweerdt |
Institut de statistique de l’UNESCO (07/2016) Ne laisser personne pour compte : sommes-nous loin de l’enseignement primaire et secondaire universel ? Rapport mondial de suivi de l’éducation. Document d’orientation 27/ Fiche d’information 37 [PDF] accessible à : http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002452/245238F.pdf
Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire (2010) Rapport régional de progrès des objectifs du millénaire pour le développement. Région de l’extrême-nord. [PDF] accessible à : http://www.statistics-cameroon.org/downloads/OMD/OMD_EN_2010.pdf
Yaouba A., Kamdem Kamgno H., (18/11/2013) Inégalités sexuelles de scolarisation dans les régions septentrionales du Cameroun : recherche de facteurs. Récupéré sur The Postcolonialist : http://postcolonialist.com/civil-discourse/inegalites-sexuelles-de-scolarisation-dans-les-regions-septentrionales-du-cameroun-recherche-de-facteurs/
Mbia S., (7/10/2016) Les malheurs de la femme camerounaise : entre désir d’autonomie et réalité culturelle. Récupéré sur Afrique Actualité : http://www.afriqueactualite.com/…/5557-les-malheurs-de-la-femme-camerounaise-entre-des#.WMfxLTvhDIU
Baromètre Communautaire (25/08/2016) Égalité des sexes : les misères des jeunes filles au Cameroun. Récupéré sur 237online.com : https://www.237online.com/article-04263–eacute-galit-eacute–des-sexes-les-mis-egrave-res-des-jeunes-filles-au-cameroun.html