Droit des peuples autochtones: la profonde brèche entre théorie et réalité

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Cette année marque le 8ème anniversaire de la signature de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples indigènes. Si de grandes avancées ont été réalisées dans ce domaine, de profondes inégalités reposant sur l’origine perdurent. Cela non seulement à cause des conditions de vie, mais aussi de l’appui insuffisant des gouvernements pour améliorer la concrétisation de ces droits.

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Nous vivons à l’époque de la communication et de l’information. Cependant, dans les pays en voie de développement, où se concentre la majorité des populations autochtones et/ou isolées, la collecte de données, l’information sur les conditions de vie et l’accès aux droits fondamentaux sont presque, sinon complètement, inexistants.

Tous les efforts réalisés pour compter sur des indicateurs démographiques fiables et actualisés ont permis des résultats significatifs. Toutefois, les obstacles pour obtenir des données précises sur ces peuples sont nombreux. Dans la plupart des cas, le seul indicateur sur lequel il est possible de s’appuyer est un chiffre global de la population qui date de plus de cinq ans et qui, d’une certaine manière est inclus dans le reste du pays, c’est-à-dire qu’il figure sur la carte économique et politique du pays de manière globale. Il ne permet donc pas de mesurer spécifiquement l’importance démographique des populations autochtones.
La situation de chaque groupe est unique. Elle dépend entre autres du pays concerné, du nombre de personnes que compte la communauté ou encore de sa représentation politique. Cette situation dépend surtout de l’existence ou non d’une ouverture du territoire habité par les autochtones vers l’extérieur. La majorité de ces peuples vivent comme ils l’ont toujours fait c’est à dire dans des endroits reculés et pauvres ayant très peu de communication avec l’extérieur. Tous ces facteurs compliquent le travail des gouvernements quand il s’agit d’exercer leurs obligations positives ainsi que quand il faut déterminer les actions et politiques à venir qui permettent l’intégration de ces populations. Ces politiques sont coûteuses, d’autant plus qu’il n’y a pas de stratégie qui permette de résoudre le problème. Par conséquent, les investissements nécessaires ne sont pas entrepris.

girl-891452_640Les droits fondamentaux au sein de ces communautés sont constamment ignorés: les enfants souffrent dès leur naissance d’un manque de services sanitaires basiques. Le droit élémentaire qu’est celui à l’identité n’est pas non plus respecté, cela alors même qu’un enfant absent des registres est inexistant aux yeux de la loi.
Ce genre de situations se retrouve ensuite dans les indices de développement des pays. Dans 40% des pays d’Afrique subsaharienne par exemple, il n’y a pas eu un seul recensement de population en sept ans et 6% de ces pays n’ont pas de registre d’état civil. Au Vietnam, 60% des enfants naissent sans suivi prénatal, pendant qu’en Australie, les aborigènes sont 26% plus exposés que le reste de la population aux risques de diabète. Enfin, au niveau de l’accès à l’éducation, un enfant indigène en Bolivie parcourt en moyenne 10km pour se rendre à l’école.

De toute la population indigène, qui représente approximativement 5 % de la population mondiale, plus de 18 millions sont des enfants. Dans la seule région des Amériques, il y a déjà 671 peuples indigènes connus, avec plus de 30 millions d’individus. Ces données ne prennent pas en compte les peuples qui restent isolés, étant donné que l’on ne sait pas exactement combien ils sont. Le continent américain a connaissance de la présence de peuples autochtones en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Équateur, au Paraguay, au Pérou et au Venezuela. Il y a aussi des indices de leur présence en Guyane et au Surinam, dans les zones frontalières avec le Brésil. Certains calculs font référence à 200 peuples qui habiteraient dans les zones les plus reculées de l’Amérique du sud, dans la forêt amazonienne et la région du Gran Chaco.

La CIDH (Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme) a récemment publié un document sur les peuples indigènes en isolement volontaire. Ce document aborde la situation de ces peuples, parmi lesquels nombreux sont ceux qui ont disparu ou se retrouvent dans une situation unique de vulnérabilité, car ils n’ont pas accès à leurs droits et ne peuvent donc pas en exiger le respect.
Ce rapport a conclu que le plus grand obstacle à la pleine jouissance des droits fondamentaux est la situation d’isolement dans laquelle vivent ces peuples. Ceci laisse un travail conséquent aux pays pour mettre en place des actions immédiates qui renverseraient cette situation et contribueraient à la protection de ces peuples. Ces actions sont d’une importance vitale si l’on veut améliorer la qualité de vie des personnes appartenant à ces peuples et ainsi éviter leur disparition.
namibia-344892_640Les méthodes classiques de collecte de données, comme le recensement, n’incluent pas les personnes qui n’ont pas de toit ou qui sont nomades comme c’est le cas pour ces peuples indigènes. Les conséquences qu’a l’inégalité horizontale (différences de niveau de vie entre populations placées dans une même situation) entre les différents groupes sociaux sont sans pareil. Elles sont très nuisibles malgré des avancées certaines dont la création d’institutions pour établir des mesures préventives. Toutes ces communautés connaissent une réalité commune qu’est la discrimination en raison de leurs conditions de vie marginales. Ceci conduit notamment à des conditions d’extrême pauvreté, d’exclusion et d’altération de leurs droits fondamentaux.

Si nous n’arrivons pas à améliorer la qualité de vie et à assurer la protection des peuples autochtones, non seulement nous ne pourrons pas réduire la brèche de l’inégalité horizontale, mais nous ne pourrons pas non plus faire face à une possible disparition des peuples indigènes isolés en Amérique.

Ecrit par : María Elena Ramírez
Relecture interne par: Valentine Delarze, Sarah Lucek
Relecture externe par : Agathe Joubin

Comisión Interamericana De Derechos Humanos / Informe “ Pueblos Indígenas En Aislamiento Voluntario Y Contacto Inicial En Las Américas: Recomendaciones Para El Pleno Respeto A Sus Derechos Humanos”

Revista Humanum – Desigualdad Horizontal En México, Chile, Colombia Y Perú – Mayo 2015   

Grupo Internacional De Trabajo Sobre Los Asuntos Indígenas – El Mundo Indígena 2015- Abril 2015

Organización Mundial De La Salud – La Salud De Los Pueblos Indígenas – Nota Descriptiva Nro 326